Dans un monde où les géants numériques disposent désormais d’un pouvoir considérable, la loi qui régit l’audiovisuel français datant de 1986, se révèle de plus en plus obsolète, d’autant qu’elle a déjà été modifiée plus de 80 fois depuis son adoption. Il était donc grand temps de se doter d’un nouveau cadre législatif adapté à l’ère du numérique. La réforme de l’audiovisuel qui sera présentée au Sénat à l’automne va transposer la directive européenne service des médias audiovisuels (SMA) qui a pour but, notamment, de faire contribuer les acteurs de vidéos à la demande au financement de la création de contenu à travers une palette de mesures comme la consécration de 30% de leur catalogue à des productions européennes, mais aussi la transposition de l’article 17 de la directive européenne droit d’auteur, qui imposera aux plateformes de partages vidéos une juste rémunération pour les contenus que ces dernières diffusent, et un partage équitable et équilibré des revenus avec les auteurs.
Les évolutions technologiques ont radicalement transformé la manière dont le contenu est produit, distribué et utilisé. Les règles de l’Union européenne en matière de droits d’auteurs nécessitent un profond réexamen afin de refléter les nouveaux usages des consommateurs qui ne sont pas confrontés aux frontières géographiques. Le droit d’auteur garantit aux créateurs de contenu la reconnaissance, la rétrocession de rémunérations en même temps que la protection de leurs œuvres. Tout le monde s’accorde à penser que la légitime récompense de la créativité devrait stimuler les investissements dans le secteur de la création de contenu. La nouvelle directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique va donc réglementer l’exploitation des œuvres en tenant compte d’un usage numérique sans frontières. Ces discussions couvrent aussi l’engagement pour une meilleure protection des consommateurs, à l’image des chaînes de télévision ou des radios qui se voient imposer des règles strictes de protection du public concernant, notamment, les propos haineux, racistes, antisémites ou homophobes.
La nouvelle réglementation régissant l’audiovisuel aura donc différentes missions stratégiques organisées autour de trois grand axes :
- Repenser la réglementation du secteur, favoriser son équilibre économique tout en continuant à encourager la création.
- Réaffirmer le rôle de l’audiovisuel public.
- Bâtir un modèle de réglementation national et européen qui intègre une juste contribution au financement de la création, des sanctions contre les contenus illicites et le piratage, la responsabilisation des acteurs du numérique et l’association de la société civile.
L’audiovisuel est un secteur en profonde mutation où l’on constate une forte croissance des usages et des modes d’accès. Il y a de plus en plus de contenus non linéaires tels que la télévision en replay, les vidéos à la demande et les plateformes de partage de contenus. Il est donc primordial de veiller à ce que le nouveau cadre réglementaire ne freine pas les choix de développement des acteurs traditionnels. Le projet a donc un périmètre très large qui devra être défini plus en profondeur avant le débat au Sénat et à Bruxelles début 2020.
Le nouveau projet de mesures législatives faisant partie intégrante de la réforme de l’audiovisuel pourrait aussi venir élargir le champ d’action de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) dont la surveillance inclurait, en plus des contenus violant le droit d’auteur partagés en peer-to-peer, les sites de streaming illégaux. Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) au contraire pourrait voir ses pouvoirs réduit avec l’intégration de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France, Arte, l’INA et TV5 Monde au sein d’une seule holding présidée par un dirigeant unique, désigné non plus par le CSA mais par un conseil d’administration. Le nouveau ministre de la culture Franck Riester souhaite dans tous les cas que le CSA, l’Arcep et l’Hadopi puissent “travailler ensemble de manière plus étroite”.
La nouvelle loi française vise à repenser la réglementation du secteur de l’audiovisuel, notamment en concertation avec les producteurs historiques de contenu et les pure players du numérique. L’objectif est en premier lieu la convivialité des usages, mais il s’agit également d’un enjeu économique d’importance comme l’a précisé l’ancienne ministre de la culture Françoise Nyssen, invitant les acteurs étrangers à s’unir pour qu’ils « contribuent comme les autres au financement et à l’exposition de la création française .»
Un de problèmes les plus inquiétants aujourd’hui pour les chefs d’entreprises du numérique est la difficulté de mettre en musique “innovation” et “réglementation”. La plupart des entreprises, des géants de la technologie aux startups, essaient encore de s’ajuster au règlement général sur la protection des données (RGPD) comme aux autres obligations réglementaires concernant l’échelon national, avec par exemple les priorités DSM (Digital Single Markets). La tendance d’harmonisation de la réglementation européenne n’est pas de restreindre l’innovation mais de suivre les évolutions technologiques et de les accompagner en trouvant le meilleur cadre réglementaire. Les entreprises du numérique devraient y voir une opportunité pour revisiter leurs modèles commerciaux et ainsi être encore plus innovants et responsables.